Torah from around the world #129

by Rabbin Pauline Bebe,

Communauté juive libérale – Ile de France

, Paris, France,

Ce n’est pas juste!

Qui n’a pas prononcé ces mots une fois dans sa vie? Enfant, adolescent, adulte, la conscience de l’injustice, la révolte qu’elle inspire nous donne un sentiment aïgu d’humanité. Nous existons à ce moment parce que précisément notre humanité, notre dignité a été niée dans une injustice commise envers soi ou un autre. On nous a marché sur les pieds!

It’s not fair!

Who hasn’t asserted these words at least once in their lives? Whether child, teenager or adult, our consciousness of injustice, the utter revolt that it inspires, sharpens the sense of our humanity. We truly exist at that moment precisely because our humanity, our dignity, has been denied by an injustice committed to others or to ourselves; we have been used as a doormat and walked all over!

Job, maintes fois éprouvé, s’interroge sur toutes ces injustices qui l’ont atteint au plus profond de son être. Abraham réagit face à une injustice qu’il perçoit et s’écrie :

Hashofeth kol haarets lo yassé mishpath

« Le Juge de toute la terre n’appliquerait-il pas la justice? » (Gen 18,25) A ce moment d’exclamation, ils sont pleinement des êtres humains, dans toute leur grandeur parce qu’ils ne restent pas indifférents au danger de leur prochain (Lév. 19,16).

Job, tested time and again, questioned all the injustices that struck him to the very depths of his core. Abraham, reacting to an injustice that he had perceived, calls out: “

Hashofet kol-ha’aretz lo yasseh mishpat  – Shall not the Judge of all the earth do justice?

” (Genesis 18:25). The forceful utterances in those moments showed their humanity in all its grandeur because they did not stand idly by when their fellow person was in danger (Leviticus 19:16).

C’est cela qui fait d’eux des

ahim

, des frères, ou des

ahoth

, des sœurs parce qu’ils ont des

aharouyoth

, des responsabilités face à tous ceux qui portent visage. Comment porter haut son visage

panim

? Celui qui

poné

, se tourne vers l’autre, est celui qui ne détourne pas son regard, qui ne fait pas « comme si », qui ne passe pas à côté d’une souffrance sans la dire, sans la parler, sans tenter de la corriger. Etre un humain, c’est répondre toujours « oui » à la question

hashomer ahi anokhi

? Suis-je le gardien de mon frère? Oui, je le suis! C’est ce qui fait mon humanité : mon sens de la justice

tsedek

.

This is what makes them

Achim

, brothers, or

achot

, sisters because they have

acharuyot

, they take responsibility for all who wear the face of humanity. How does one hold high his face,

panim

? Whoever

pone

, turns to the other, is the one who does not turn away his gaze, who does not act “as if”, who does not walk by suffering without saying, without speaking, without attempting to mend it. Being human is to always answer “yes” to the question “

Hashomer ahi Anokhi

? Am I my brother’s keeper?” Yes, I am! This is the basis of my humanity: my sense of justice, tzedek.

Tsedek tsedek tirdof, cette phrase maintes fois commentée nous interroge encore. Deux fois tsedek. N’y a-t-il pas qu’une seule justice? La même pour le pauvre et le riche, pour le petit et le grand? Dans l’idéal, oui! Mais qu’en est-il de la réalité?

Tzedek tzedek tirdof: this phrase, repeatedly commented upon, still has the power to elicit questions. The word tzedek appears twice. Yet is there not but one justice? Is it not the same for rich or poor, the same for large or small? Ideally, yes! But what, in fact, is the reality?

Chaque individu perçoit une réalité, un événement dans sa vie de sa perspective. Admettre la diversités de points de vue a contribué à la découverte de la perspective dans l’art visuel. Il n’est pas étonnant que des pensées totalitaires aient pu imaginer l’existence d’un « art officiel » qui pouvait nier les perspectives multiples. En effet, c’est avec ses yeux que l’on voit, ses oreilles que l’on entend. Chaque chose que l’on vit a une couleur, une odeur, un gout qui lui est propre, propre à chacun. Même si deux individus vivent la même existence, la même expérience, elle sera vécue différemment. Un livre, un film, une histoire d’amour, un échec, une réussite, une conversation, un clin d’œil. Parce que la perception part d’une source unique. Chacun voit à sa porte, ce que l’autre ne voit pas à sa fenêtre. Ainsi il n’existe pas de description objective d’une réalité. Je la dis, je la lis avec qui je suis, mon passé, mon histoire, mon éducation, mes expériences, mes limites, mes ancrages. Si chacun est unique, comme le dit notre tradition Hakadosh baroukh hou nivra haadam yehidi (cf. Michna, Sanhedrin 4:5), le Saint béni soit-Il a créé l’être humain unique, alors cette subjectivité est irréductible.

Each individual perceives a reality or an event in his or her life from his or her own perspective. Accepting the diversity of viewpoints has contributed to the discovery of perspective in visual art. It is not surprising that totalitarian thinking could have imagined the existence of an “official art” that denies multiple perspectives. Indeed, it is with one’s own eyes that we see, our ears with which we hear. Every thing we see has a color, a smell, and a taste of its own, unique to itself. Even if two people live the same lifestyle, the same experiences, it will, nonetheless, be lived differently: A book, a movie, a love story, a failure, a success, a conversation even a wink of the eye. Because perception is derived from a single source, everyone can only see from his or her own threshold, what the other cannot from his or her window. Thus there is no objective description of reality. I say it, I read it with who I am, with my past, my history, my education, my experiences, my limitations, my conditioned reflexes. If everyone is unique, in the words of our tradition “Hakadosh baruch hu barah HaAdam yehidi – the Holy One Blessed be He created the human being unique” (cf. Mishna, Sanhedrin 4:5), then this subjectivity is irreducible.

C’est pourquoi la justice est si difficile à trouver. Elle se cherche à tâtons entre mon tsedek et ton tsedek, ma perception et la tienne de ce qui est juste, entre le « je » et le « tu », quelque part dans le silence qui sépare ces deux mots tsedek tsedek, quand les « mois » ont fini de s’égosiller.

This is why justice is so hard to find. It may be found groping between my tzedek and your tzedek. Between my perception and yours for what is right. Between “I” and “Thou,” somewhere in the silence that separates the two words tzedek tzedek, when each one’s ego has finished screaming itself hoarse.

D’où la tâche incommensurable du juge, du shofeth, qu’il soit un parent qui écoute tour à tour le tsedek de ses enfants et essaie de prendre la décision la plus juste sans léser aucune des parties, que ce soit le médiateur des amants blessés qui les entend tour à tour ou encore celui ou celle qui tente de résoudre des conflits entre les peuples.

Hence the enormous task of the judge, the shofet, whether a parent who listens in turn to the tzedek of his children and tries to take the most just decision without harming any of the parties, or whether the referee of wounded lovers who hears them in turn, or one who attempts to resolve conflicts between nations.

Alors bien sûr les Pirkei Avoth (2:5) nous disent : « Ne juge personne avant de t’être mis à sa place ». Heureusement l’imagination fait que nous pouvons nous mettre un peu à la place de l’autre. Mais un peu un point c’est tout, car sa place est la sienne et nul ne saurait la prendre!

So, of course, Pirkei Avot (2:5) tells us: “Do not judge others until standing in their place.” Fortunately, the imagination is such that we can imagine putting ourselves a little bit in place of another. But just a tad, that’s all, because one’s place is his or hers and no one else can take it!

Tirdof, you shall pursue, comme un point à l’infini qui s’éloigne chaque fois que l’on s’en approche, la justice dans son idéal et sa perfection nous échappe infiniment. Elle appartient à Dieu. Mais Dieu n’y échappe pas! Shabbath shalom.

Tirdof, you shall pursue, like a point somewhere in infinity, which moves further away whenever we start approaching it; in its ideals of justice and perfection, it eludes us considerably. It belongs to God. But God doesn’t escape from it! Shabbat shalom.

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